Reconfiguration en temps réel
Pour les systèmes complexes qui doivent atteindre un niveau de performance optimal dans un délai ultracourt (par exemple, pour fluidifier la circulation routière), les systèmes à base de connaissances constituent la solution la plus rapide. Pour gagner du temps, ils emploient des données et des règles spécifiques au domaine considéré afin d’identifier instantanément les solutions applicables. Depuis plus de 20 ans, l’industrie adopte cette approche pour différentes applications qui ne sont pas soumises à des impératifs de délais critiques, notamment pour définir des configurations permettant de réduire les coûts de production des systèmes de commutation téléphoniques ou des enclenchements ferroviaires dans les postes d’aiguillage. Cette approche est également utilisée pour des projets de reconversion de sites de production exigeant des adaptations continues tout au long du déploiement des nouveaux équipements.
Mais jusqu’à présent, il manquait encore un outil de gestion flexible des systèmes dynamiques en temps réel s’appuyant sur des solutions logiques à base de connaissances. C’est précisément le cœur du projet de recherche DynaCon (pour [re] configuration dynamique à base de connaissances de systèmes cyberphysiques). Ce projet s’est achevé fin 2020 au terme de trois années de recherche. Il a été mené par l’Université de Klagenfurt en collaboration avec cinq partenaires issus de la recherche universitaire et de l’industrie, dont Siemens AG.
Réduction des coûts de maintenance et de développement
L’objectif du projet était d’exploiter des flux de données pour assurer la gestion en quasi-temps réel de systèmes hautement dynamiques, notamment pour le trafic routier, les réseaux de télécommunications ou la logistique ferroviaire. Ces systèmes autonomes basés sur l’Internet des objets sont dits cyberphysiques, dans le sens où ils comportent des composantes mécaniques et électroniques interconnectées, pilotées par voie numérique. « Ces systèmes sont soumis à des reconfigurations continues qui ont pour objet d’optimiser leur comportement général », explique Gerhard Friedrich, de l’Institut d’Intelligence artificielle et de Cybersécurité à l’Université de Klagenfurt.
Afin d’optimiser le fonctionnement d’un système de commande logique à base de connaissances, l’équipe DynaCon a commencé par préparer les connaissances requises pour un site de production ou pour un système dédié en formulant des énoncés logiques enregistrés dans une base de données. À titre d’exemple, un énoncé logique peut définir la commande d’un feu de signalisation : lorsque le feu est vert, le feu opposé à l’intersection doit être rouge. D’autres énoncés logiques définissent des formules de densité de circulation afin de moduler la durée d’activation des feux de circulation à partir d’un seuil spécifique.
Une solution qui requiert des connaissances détaillées sur les systèmes
Lors du processus d’élaboration de la solution, chaque étape est évaluée avec précision, chaque décision en faveur d’une option donnée fermant la porte aux autres possibilités. Par exemple, le choix d’un type de carrosserie de voiture sur une chaîne automobile détermine les possibilités de montage de pièces (pare-chocs, grille de calandre ou pare-brise). « Ce type de pilotage requiert des connaissances détaillées du système concerné », explique Andreas Falkner, du département de recherche Technology de Siemens. « Parallèlement, les règles logiques peuvent généralement être transposées dans d’autres domaines, il suffit d’adapter les variables. »
Les algorithmes et les programmes développés dans le cadre du projet DynaCon ont déjà été mis à l’épreuve dans de nombreux essais, notamment pour la gestion des réseaux de télécommunications d’un fournisseur d’accès Internet, pour la logistique du trafic de fret ferroviaire, pour la distribution électrique et pour la circulation routière en ville. Ainsi, cette nouvelle génération de systèmes de commande est non seulement beaucoup plus rapide que les modèles antérieurs, mais elle génère également des solutions optimisées et permet de réduire les coûts de développement et de maintenance. Il va de soi que dans les systèmes qui fonctionnent toujours de manière optimale, ces adaptations ultrarapides ne sont pas nécessaires, mais ces cas de figure sont plutôt rares.
DynaCon mise sur le recyclage intelligent des données
Pour développer des programmes à base de connaissances pouvant gérer des systèmes dynamiques en temps réel en exploitant de nombreux flux de données, il ne suffit pas d’augmenter la puissance de calcul du matériel employé. DynaCon mise également sur l’efficience. Ainsi, le processus chargé d’identifier en temps réels les solutions optimales n’utilise que les entrées de la base de données qui sont strictement nécessaires pour le cas considéré. Si c’est une voiture de sport qui est en cours d’assemblage sur la chaîne de montage, le processus écarte d’emblée les données relatives à la fabrication de véhicules utilitaires. Par ailleurs, le système filtre en continu les données pertinentes en fonction des conditions environnantes. Ainsi, un processus de gestion de la circulation routière prendra en compte l’état détrempé d’une route pavée, mais pas la présence d’un nuage isolé qui cache temporairement le soleil. En outre, DynaCon mise sur le recyclage intelligent des données : quand une nouvelle solution spécifique à une situation est identifiée, elle est généralisée et incorporée dans la base de connaissances pour être réutilisée ultérieurement dans une situation similaire.
Une solution facile à intégrer dans différents systèmes de commande
Depuis la fin du projet de recherche, l’équipe DynaCon peut se prévaloir de plusieurs dépôts de brevet et déclarations d’inventions. Mais Le programme de recherche a également permis de concevoir des programmes de commande innovants qui seront bientôt employés dans de nouveaux projets pilotes. Selon Andreas Falkner, le déploiement de ces programmes ne devrait pas être particulièrement chronophage : « Le programme peut être implémenté dans différents systèmes de contrôle-commande sans difficulté. »
Christian Lettner, Hubertus Breuer, juin 2021